jeudi 19 mars 2020

« On allait ! En avant ! » (Victor Hugo, « Ô soldats de l'an deux ! »)

« Ils allaient, fiers, joyeux...  »
Trois jours de « continuité pédagogique » et l’on peut déjà se livrer à un premier bilan. La situation que nous vivons est la suivante : très vite, on nous a demandé à nous, enseignants, de faire nos cours « comme si on était en classe, en gardant le même rythme ». Donc dès lundi, pour la plupart d’entre nous, nous avons posté notre organisation hebdomadaire, travail, exercices et devoirs maintenus. Et très vite les familles et les élèves ont montré leur bonne volonté en rendant les travaux demandés en temps et heure.
D’où une abondance de questions émanant tant des élèves que des parents et parfaitement légitimes. J’en ai listé quelques unes (attention, copiés-collés dans leur « jus »), ainsi que mes réponses.
« je rencontre quelques difficultés pour faire les exercices du manuel en ligne ; les réponses ne se valident pas . Et il n'est pas possible de faire un choix multiple Comment faut-il faire ? » -> J’ai contacté le site et attends leur réponse. Les années précédentes, cela fonctionnait mais l’abondance de connexions a changé la donne.
« bonjour les exercice demander sont a faire directement sur le manuel numérique ? si oui alors prévenez moi  » -> Oui, si possible : ce sont des entraînements et n’ont pas vocation à être systématiquement évalués. Et NON, je ne ne « préviendrai » pas individuellement mes 117 élèves.
« Je vous contacte aujourd'hui pour vous demander qu'est-ce qu'on doit faire après avoir cliqué sur le lien mis avec les devoirs ( exercice 1 pages 280, exercices 2 et 6 p 281) ? » -> Faire les exercices, si c’est possible.
« Je viens vous demander, si vous le voulez bien, m'expliquer ce qu'il faut faire comme travaille pour aujourd'hui car je n'a pas tout compris. » -> Cela m’est impossible d’expliquer individuellement.
Mon enfant « fait actuellement ses exercices sur son livre.  Allez-vous envoyer une correction ou doit-elle les faire seulement en ligne ? » -> Oui, l’envoi d’une correction est prévue, après la date prévue de retour.
« Pouvez-vous m’envoyer une confirmation de réception ? » Non.

« L’intendance suivra »
 Il s’avère que cette organisation n’est pas tenable pour un certain nombre de raisons pratiques et concrètes.
 D’abord il y a le facteur humain : l’enseignant est un homme, une femme, un parent, un enfant de personne âgée. Qui lui aussi a les mêmes interrogations que les autres citoyens. Les mêmes inquiétudes. Et les mêmes soucis logistiques.
Car vient ensuite le facteur matériel, non des moindres. L’enseignant travaille chez lui avec ses outils personnels : ordinateur, webcam éventuellement, micro plus éventuellement encore. Avec une connexion plus ou moins aléatoire selon son lieu de résidence. Et d’autres membres de sa famille susceptibles d’utiliser les mêmes outils au même moment.
Enfin plus que tout autre, l’enseignant sait ce qu’implique gérer des enfants ou des adolescents au sein d’un lieu fermé. C’est même l’essentiel de son métier, en fait. Du coup, il prend bien la mesure de ce que cela doit représenter pour les novices. Car il s’agit non seulement de les gérer mais aussi de les faire travailler.
De même dans les familles, on est en train d’apprendre à se partager les outils informatiques ou autres (et les connexions) et se partager tout court, entre ravitaillement, assistance aux devoirs, organisation de son propre télé-travail ou travail tout court. « L’intendance suivra », aurait dit le général De Gaulle. Qui a également dit : « Les choses capitales qui ont été dites à l’humanité ont toujours été des choses simples. »

« Et pourtant... »
C’est pourquoi la situation va nous amener à envisager différemment. Et plus simplement.
Sauf que… RGPD.
Autrement dit le règlement général sur la protection des données.
 Ce qu’il faut retenir, c’est oui, plein de choses existent pour le partage, l’échange, la mutualisation (et merci de suggérer tous ces outils), mais non, nous ne pouvons pas les utiliser comme ça. Il faut entrer dans le cadre légal. Et actuellement, le cadre légal, il est confiné dans les autorisations qui ont pu être signées par les parents en cours d’année et où ce cas-là n’avait sûrement pas été envisagé.
Pourtant il faut avancer. Constater. Que par exemple les collégiens n’utilisent plus de mail (ou empruntent ceux de leur parents), préférant les applications de message. Que personnellement, en invitant mes élèves à utiliser la fonction DM (Direct Message) sur Instagram, je reçois bien plus de travaux sur ce canal-là que via les autres. Certes ce sont des photos de cahiers, voire des feuilles volantes plus ou moins artistiquement posées sur des tables ou des jambes, mais néanmoins, je les ai, mes travaux. Et postés à des heures pas très scolaires, il faut bien l’avouer… Après, le plus difficile, c’est parfois d’identifier le destinataire, car le pseudo n’est pas toujours évident. Même si je n’en suis pas là :
Source : Twitter
La morale de l’histoire ? Il faut s’adapter. Tout le temps. Mais ne pas oublier le cadre juridique, qui reportera son nez une fois l’épisode - car soyons positifs, il s’agit d’épisode, et tôt serons revenus dans nos salles - passé. Avec effet-retard. Et ne pas oublier également la facétie d’un public collégien notamment. Qui dit que le cours Skypé d’un enseignant ne va pas, d’ici quelques semaines, se retrouver en captures d’écran plus ou moins flatteuse pour l’intéressé ? Ou remonté ?
Mais « en même temps », il faut reconnaître que cela nous pousse à innover. Encore et encore. Ce que nous allons faire. Encore et encore. En bons petits soldats, pour reprendre le poème de Victor Hugo que je citais en titre, chantant, allant, « l'âme sans épouvante et les pieds sans souliers ! »

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